Ākāśa आकाश ◦ Blog

Ahaṃkāra

Égo, moi ou personnalité traduit-on du Sanskrit, l'étymologie dit tout simplement "moi-faire" une allusion à ce qui fait agir, à ce qui pousse à faire comme ceci plutôt que comme cela. En Sanskrit, au lieu de parler d'un moi solide, on admet la relativité d'un comportement conditionné et la relation biaisée du moi au réel. L'être humain a une tendance à réagir aux stimuli de façon conditionnée, extérieure plutôt que d'agir dans un sens noble, en relation à l'éthique (dharma).

Ne voyez aucune condamnation ni tentative de qualifier ce comportement égotique de mauvais, au contraire ! Il est nécessaire d'avoir de bons réflexes et de savoir agir de façon adaptée à ce qui advient. La survie dépends de ces bons réflexes dont certains ont été appris par l'espèce au long des millénaires, d'autres ont été appris par soi-même au cours de la vie. La capacité à discerner ce qui peut être mangé, ce qui est dangereux ou favorable est héritée d'une grande capacité à se laisser conditionner par les aléas de la vie. Le paradoxe est vertigineux !

La vie en société est possible grâce à cette même capacité de conditionnement. Il faut bien que certains croient dur comme fer être ouvrier, militaire, marchand, employé de bureau, d'usine, contremaître et jusqu'au maître du royaume pour que la fourmilière humaine fonctionne. Sans comportement conditionné, pas de place au sein du groupe, pas de groupe, pas de confort social et certainement pas de vie humaine du tout.

Oui, l'idée de liberté en prends un coup, enfin le lieu-commun disparaît avalé par le faux et c'est pas plus mal. Reste une quête qui accepte ne pas être le fruit d'un fantasme d'isolement et de toute-puissance. Môa qui se croirait libre de toute contrainte et souffrance, absorbé dans la félicité pour toujours ; seulement libre en réalité de se faire tout trip et comic-strip.  Vouloir se barrer hors de ce triste monde duel réserve dans la durée quelque surprise pas conforme au fantasme. Chacun est toujours rattrapé par le réel ne serais-ce que dans la mort.

Désir / peur

Le conditionnement joue sur le couple d'opposés fondamental [ désir / peur ] et présente le risque de se retrouver à avoir peur des insectes, des serpents, des loups, des tigres, des allemands, des étrangers en général, de mal faire et de mal être. Bref à avoir peur de tout y compris de ses enfants, son conjoint et jusqu'à sa propre ombre.

Mais il y a aussi le désir d'absolu, de connaissance de la réalité et qui est valorisé dans les enseignements. C'est ce désir de voir qui fait l'éveil de l'écoute !

Les désirs épars, conséquence et cause d'ignorance sont sans reconnaissance de la dualité. Vouloir seulement de la nourriture sucrée et jamais amer ni salée, vouloir l'amour sans la peur, vouloir vivre une température clémente sans jamais expérimenter ni le chaud ni le froid, c'est se condamner à vivre des déceptions et à disperser son énergie vitale en tout sens.

Buddhi

Le piège de l'égo est que ce moi soit lié à l'ignorance, au fait de ne pas voir. Eh oui puisque les mémoires issues​​ de l'expérience surgissent par réflexe dans le champ mental pour dire bien ou mal, désir ou peur. Tu te retrouves à aimer / avoir peur de façon pas toujours adéquate, tel aliment tel animal, tel humain ou telle situation.

Mais attention je répète, pas d'humanité vivante sans ahaṃkāra et réflexes de survie ! Tu vois, les enseignements de yoga montrent comment s'entraîner au discernement, exercice pas des plus évident puisque ce qui est évident, c'est l'ignorance (le conditionnement) qui dispense de voir pour de bon.

La buddhi c'est l'Intelligence avec un "I" qui siège en notre cœur, elle est le fruit de l'alchimie du Divin et de la Déesse. Au cœur d'ahaṃkāra, il y a cette conscience divine qui "voit" parfaitement. Mais voilà, la buddhi est voilée par ahaṃkāra qui lui impose en premier plan des mémoires d'actes passés. Ce qui advient dans le réel est vu comme un pseudo déjà-connu sur-imposé. Que de mal-entendus en perspective, tout serpent sera vu comme celui qui a causé la perte du paradis et non pas tel qu'il est véritablement.

Saṃskāra et bīja

Nos mémoires sont "impression, fruit de l'acte" (saṃskāra) et "graine en latence de germination" (bīja) et nous (citta) sommes faits d'une infinie trame de mémoires toutes reliées, à l'image de l'infinie trame galactique ou de celle toute similaire des neurones et synapses.

Il y a les mémoires des actes passés et il y en a d'autres, héritées des actes de la généalogie, une richesse connue et une autre inconnue qui vient de zones oubliées et de bien au delà l'imaginable.

Cette mémoire de morsure de chien habituellement latente devient active lorsqu'un chien entre dans mon champ mental. Il en va de même de mon code de carte bleue et de millions d'autres qui sommeillent et se réactivent de façon conditionnées.

Ahaṃkāra est le tissage de ces scories vivantes fruits de mes actes, de mon vécu. Je suis aussi affecté par et construit autour de ce que mes ancêtres ont vécu, je suis l'héritier de leurs mémoires qui me déterminent socialement. Je suis un grand bourgeois ou un descendant de prolétaire ou de guerrier du moyen-âge. Et encore au-delà, comment expliquer cette affinité pour ce coin d'Afrique où je me suis senti comme à la maison dès le premier instant ?

Comment expliquer cette empathie pour cette victime ou ce bourreau du bout du monde avec lequel je n'ai rien en commun ?

La réponse est simple, toutes les mémoires du Monde sont reliées, tout a été vécu en relation depuis la nuit des temps. Il n'y a qu'une seule et infinie trame à l'image des neurones et synapses ou à celle des galaxies.

Moi est une conjonction, une zone géographique dans l'immensité de la trame. Les mémoires sont des sons, elles sont vibrantes... alors la matière s'agglomère en cette forme de mon corps, similaire et différent des autres parce que nous partageons bien des espaces communs et d'autres singuliers.

Qui suis-je ?

Pour voir qui je suis, il faudrait pouvoir placer une frontière qui me sépare du monde. Le souvenir de ce chien qui n'est pas moi et qui m'a mordu devrait-il être au dedans ou en dehors de moi ? Le fait est qu'il est les deux à la fois, je suis un peu lui du fait de notre aventure commune.

Vertige de la réalité !

Où placer la limite ? Comment gérer tout ce que je connais sans le savoir et que je n'ai souvent même pas vécu ? Suis-je un peu de la centrale nucléaire de Fukushima ou pas du tout ? Suis-je influencé par cela ? Où se trouve ma mémoire de cet événement ? Au dedans de moi ou ailleurs dans la trame ? Les notions d'extérieur et d'intérieur s'effacent et s'efface aussi mon petit moi et ses problèmes égocentrés, quel soulagement !

Citta

L'enseignement du sāṃkhya nomme l'être humain "citta" pour rappeler l'étincelle divine (cit) en son cœur. Il est dit que citta est ; buddhi (Intelligence d'éveil), ahaṃkāra et manas (mental), les trois en même temps !

L'alliance du divin et de la Déesse créé le Monde tel qu'il se manifeste. Au cœur de l'humain ; buddhi et l'espace tout autour. Ahaṃkāra et l'espace tout autour. Ahaṃkāra produit la matière corporelle selon une trame de mémoires sonores individuée. Ahaṃkāra produit la potentialité des cinq sens. Et ​ahaṃkāra produit manas (mental) un organe (indriya) à la fois préhensile et réceptif.

Manas (mental)

Cet enseignement du sāmkhya reste très mal connu car il faut changer profondément de paradigme pour voir ce qui est dit. Il n'y a pas de connaissance théorique de la réalité qui soit possible. Seule l'expérience est vraie mais qui voudrait lâcher sa relation conditionnée au monde ? Chacun a bien trop intérêt à amender encore sa tragi-comédie !

Manas est à la fois réceptif et préhensile, il y a une capacité à recevoir et une capacité à saisir. C'est une affaire de désir et de peur qui fait que moi est saisisseur ou à l'écoute au travers de l'organe mental (indriya).

Citta s'exprime et agit à travers l'espace grâces à ses 5 organes d'action (karma-indriya) investis par l'organe mental ; la voix, les mains, les pieds, les organes d'excrétion et les organes génitaux.

Citta désire saisir et écoute au travers de ses 5 sens​, organes de connaissance​ (jñāna-indriya) investis par le mental saisisseur ou à l'écoute.

Et pour que le tableau expérienciel soit complet, il faut ajouter la scène de théâtre sur laquelle se joue ma tragi-comédie ; l'espace mental à géométrie variable qui coïncide avec ākāśa l'espace entier !

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