Ākāśa आकाश ◦ Blog

Joachim

Nous avions projeté l’ascension d’un couloir de glace dans le massif de la Vanoise, trop tard dans la saison, en retard dans l’ascension, la neige s’était transformée en une soupe visqueuse sous l’effet du soleil. Sans retour en arrière ni sauvetage possible, nous avions dénoué notre corde pour ne pas entrainer l'autre dans une chute mortelle. Nous étions sortis du couloir et dans la roche, avions tenté le tout pour le tout, poursuivre l’ascension au hasard pour survivre. Au-delà de la peur paralysante, il y eut un état de conscience différent, les sens et les membres semblaient autonomes. Je me souviens surtout de l’odeur du granit et de la légèreté du corps. Puis je me souviens de la joie alors que nous émergions de la face nord dans la lumière du levant, plus vivants que jamais. 

Nous n’avions pas échangé le moindre mot, un instant plus tard, mille cinq cent mètres plus bas, nous étions allongés dans les fleurs d'alpage. Epousant le sol grouillant de la vie des insectes, nous étions remplis de ces odeurs mêlées et du ciel. Nous n’avons rien dit à personne, craignant une interdiction de nos parents à réitérer l'aventure. Je n’ai pas d’autre souvenir de cet été sinon l’odeur persistante du granit. La rentrée en classe de terminale fut surréaliste, je ne faisais plus partie de ce monde et ne pourrais y retourner malgré bien des efforts d’intégration. Je quittais le lycée pour vivre en montagne, à corps perdu avec la neige, l’air et la gravité terrestre qui donne des vitesses folles à ski. Mon cousin fit de même et il poursuivit une carrière au sein des sauveteurs en montagne. 

À 20 ans, ce rêve était déjà émoussé mais pas le goût de l’engagement à corps perdu. A Paris, comme Alice qui désirait passer derrière le miroir, ce fut pour moi celui des médias si brillants dans les années 80. Grâce à la photographie apprise sur le tas puis au reportage télévisé, de fil en aiguille. Des expériences vécues et racontées, mises en image et en mots, une belle école de l’écoute et du regard. Un cheminement de vingt ans qui se termina avec la mainmise totale des forces d’argent sur la presse. Je quittais cette profession juste avant l’âge de 40 ans, avec la fierté de ne pas avoir eu à collaborer au pire de cette période de grande corruption. 

Là je devins professeur de yoga, la gestation avait été longue, initiée à l’âge de 16 ans, alors élève en lycée sport études. Il y avait eut aussi la rencontre des pratiques bouddhiques, l’assise silencieuse, la scansion de mantras. Initiation signifie qu’une sensibilité est ouverte et que le fruit de l’expérience ne disparaît pas. Je poursuivais, laissais de côté et reprenais ces pratiques en fonction de l’intensité des moments de vie. Par exemple à 23 ans, il y eut à la fois un passage professionnel et une sexualité qui devenait plus affirmée. Vécue intensément, peut-être grâce à cette pratique corporelle de yoga. Un autre exemple évident, dans le moment de dépression qui suivit la carrière de reporter, les pratiques connues comme structurant l’être entier s’imposèrent à nouveau. Enseigner le yoga c'est une façon radicale de s'y plonger encore. 

Je commençais à transmette la noble gymnastique de yoga du jour au lendemain, à ce moment de rupture. Il y avait la nécessité d’un appui pour moi et la transmission qui demandait la meilleure cohérence. Il n’y avait là aucun aboutissement, ce fut au contraire le départ d’un long apprentissage. Six années de pratique quotidienne auprès de deux enseignants, Patrick Tomatis et Philippe de Fallois, chaque matin j’étais élève et chaque soir enseignant. A l'intérieur de ces six années, il y eut quatre ans d’école de formation et l’engagement dans une autre école de pratique bouddhique. Et il y eut l’initiation au sanskrit et à la lecture avec Alyette Degrâces. Au total une plongée qui rendait difficile même le paiement d'un loyer en plus de toutes ces activités. Je fus sans domicile, organisé pour dormir chaque soir dans telle salle de yoga, chez tel ami après avoir donné la pratique du jour, périlleuse et riche aventure moderne. 

Aujourd’hui, j'enseigne à temps plein depuis plus de 15 ans, mes enseignants sont devenus ceux qui veulent bien écouter la transmission et la pratiquer. Mes sources d'inspiration viennent de cette expérience quotidienne et de ceux qui osent exprimer leur engagement sur un chemin de vérité. Enseignants de yoga, de philosophie, chercheurs en science, artistes, tous me nourrissent, me désespèrent ou me réchauffent le cœur. Ces aspects sont nécessaires à enrichir les formes présentes de transmission, les plus simples possibles, j'espère : 

◦ La pratique corporelle complète et équilibrée, qui ne laisse aucun aspect de côté, fidèle à ce que j'ai moi même expérimenté avec Patrick Tomatis et Philippe de Fallois. Le déploiement de prāṇāyāma est en accord à la posture, selon les indications de la tradition. 

◦ L'assise silencieuse, la méditation est transmise en tant que pratique à part entière lors de séances spécifiques, c'est le cœur de la pratique de yoga. Nous retrouvons au long cours dans l'assise, tout ce qui compose le travail corporel et nous allons au plus profond du fonctionnement de la pensée. 

◦ La transmission orale est envisagée comme une pratique à part entière. Un enseignement basique est donné à différents moments de l'année en séances généralement collectives. La suite de l'enseignement est individualisé, partagé en séances individuelles

◦ La retraite en pleine nature est est un moment important de l'enseignement où tout se condense. Nous marchons modestement sur les pas de nos ancêtres en approchant la pratique d'ermitage, c'est à dire la pratique de méditation solitaire et sur un temps plus long. 

Joachim 06 09 02 59 48
joachim.vallet@gmail.com

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