Pour quelqu’un de non-entraîné, se tenir droit est possible à grand renfort de tension. Il est même possible de serrer les mâchoires dans l’espoir de se soutenir. Les pratiquants le savent, une heure d’assise et parfois seulement dix minutes, peuvent révéler de grandes crispations musculaires et mentales.
L’assise révèle notre état d’être alors que nous sommes engagés dans l’action. Là, l'action est réduite à sa plus simple expression, histoire que tout soit bien visible. Certains s’endorment, d’autres s’énervent, nous sommes tous confrontés à l’état profond du moment. Il suffit de s’assoir, de ne rien faire sinon respirer et le masque que nous portions tombe simplement parce que nous cessons de le tenir. L’assise est le plus simple et radical laboratoire de connaissance de soi.
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Dans l’enseignement du yoga, l’assise est placée exactement au centre. Les trois sūtra qui lui sont dédiés se trouvent à l’exact milieu des yogasūtra comme l’articulation placée entre deux grands moments. S’assoir est le passage entre la ferveur de l’engagement et la maîtrise qui demande de relâcher l’effort entrepris jusqu’alors.
YS II.46 sthirasukham āsanam
Érigée et heureuse la posture,
YS II.47 prayatnaśaithilyānantasamāpattibhyām
par relâche de l’effort et transformation de pensée en infini ;
YS II.48 tato dvandvānabhighātaḥ
de là, la non-destruction par les couples d’opposés.
Jusque-là, l'enseignement nous invitait à s'engager dans un travail de discernement, d’abandon de nos habitudes et lieux communs de pensée, d’acte. Un vrai travail sur soi ! A partir du moment où nous sommes assis, nous entrons de fait dans la maîtrise des souffles et la méditation. Ce processus d'affinement de notre sensibilité qui mène à la compréhension, au samādhi longuement décrit. Le processus a lieu en un instant… ou pas… ou pas tout à fait… l’assise est une pratique comme le discernement en est une, toujours à remettre sur le tapis.
La pratique au cœur du yoga, initiée par l’assise se nomme en Sanskrit "totale-maîtrise" (Sam-yama), elle consiste à s’assoir et répéter le processus méditatif jusqu’à le connaître et l’intégrer naturellement. Les musiciens répètent et pratiquent sans se poser plus de question, les yogi agissent de même dans āsana. Non-agir consiste à faire ce qui est bon sans attente particulière, juste parce que c’est bon. Et si aujourd'hui l'inconfort se présente, peu importe, l'important est d'être là pleinement présent.
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