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• Samāpatti 1

Au cœur du Yogasūtra, samāpatti est le mode de connaissance du samādhi, cet état connaissant donné comme le but des pratiques de yoga.

YS I.41  kṣīṇavṛtter abhijātasyeva maṇer grahītṛgrahaṇagrāhyeṣu tatsthatadañjanatā samāpattiḥ

"Pour l’être aux fluctuations (vṛtti) affaiblies, tel un cristal transparent, prendre la couleur de ce sur quoi il repose - qu’il s’agisse du connaisseur, de la connaissance ou de l’objet à connaître - c’est samāpatti"

Samāpatti c’est se laisser colorer par le monde, une entreprise dangereuse à priori ! Comment vivre en acceptant de se laisser influencer par l’extraordinaire mélange de beauté, de violence, d’intensité et de vide du monde ? Assurément et à priori, ce serait au risque d’une grande confusion, de la folie et peut-être de la mort.

Nos mémoires, les conditionnements qui y sont liées forment autant de gardiens, de préjugés qui dirigent nos peurs et attirances. Initialement, le couple aversion / attrait nous fait vivre en sécurité dans une représentation du monde simplifiée. Il y a ce qui semble bon par expérience et ce qui semble mauvais par expérience, aversion et attrait marchent très bien même lorsque nous n’avons plus en mémoire consciente la cause de tel ou tel de nos préjugés. Avancer dans la vie de façon réflexe n’est pas un problème en soi, c’est le fonctionnement basique et normal de l’humain pris dans l’existence selon les règles de survie.

Mais ce fonctionnement est aussi cause de souffrance : nous somme baignés dans des situations que nous n’avons pas désirées et que nous ressentons alors comme agression, en position de victime. Nous nous sentons également un peu vide, éloigné de l’amour et du vrai, même lorsque nous sommes dans une situation rassurante matériellement. Tout cela, encore une fois, est normal, c’est la condition humaine et il n’y a pas de raison de la fuir !

La proposition folle de samāpatti est de se plonger entièrement dans la condition humaine sans plus chercher à la fuir du tout. Au contraire un intense désir de connaître devient bien plus puissant et stable que toute peur ou désir de sécurité.

C’est ainsi que les préjugés tombent, par désir intense de vivre véritablement et de rencontrer, dans un premier temps notre fonctionnement dans sa complexité. C’est par cette porte que les yogi pénètrent alors dans le monde tel qu’il est.

Les yogi n’ont en général plus rien à perdre, ils ont déjà tout perdu. Qu’ils soient riches ou pauvres dans la société n’est pas la question, quelque chose fait qu’il ne leur est plus possible de faire autrement que de se jeter dans le grand bain. La seule aventure qui garde un goût merveilleux est de passer de l’autre côté du miroir, de découvrir le monde, de le voir tel qu’il est.

Dans un premier temps, ça peut être douloureux de se laisser pénétrer par la réalité et son infinie variété. Le mot « empathie » du français, qui ressemble à samāpatti indique une « souffrance à l’intérieur » alors qu’en réalité samāpatti n’a plus que faire de souffrir ou pas. La souffrance est liée à la peur et au désir, elle est égotique, reliée aux mémoires qui gouvernent nos vies.

Samapatti, c’est la fusion mais sans peur ni désir autre que celui de connaître… connaître pour connaître et non pour posséder. C’est ainsi que les yogi sont détachés, non pas du monde, ils fusionnent avec, ils sont détachés de toute attente, de récompense et de but à atteindre.


Étymologie :

Sam-ā-PAD

PAD : aller - ā : intensément - sam : totalité
Aller (PAD) - intensément et en rapport au sujet (ā) – jusqu’à s’assembler totalement (sam)
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