A la racine des notions de progrès et de déclin, il y a le temps vu comme une ligne droite et il y a l'idée d'aller selon cette ligne vers le bien ou vers le mal. Heureusement et c'est un soulagement, il est faux de considérer le temps de façon uniquement linéaire. Notre existence ne se place pas seulement sur une ligne passé, présent et futur, tout simplement parce que "je" est un être différent au passé, au présent et au futur, il y a courbure.
De plus, chacun n'est pas isolé sur son chemin de transformation, quelque chose de cyclique se joue et se rejoue au cours de nos vies et au travers des âges ! Nos existences sont faites de cycles ; de journées, d'années et de générations qui se suivent et s'additionnent. Chaque être ainsi complexe, naît, vit une expansion puis une résorption pour enfin retourner là d'où il a émergé. Nos existences sont respirantes selon un cycle produit par deux mouvements antagonistes ; expansion (inspiration) et résorption (expiration). La respiration fait de ces deux mouvements apparemment antagonistes une spirale !
J'aimerai ne jamais oublier que le temps est à la fois linéaire et cyclique. Géométriquement, le tracé d'un cercle qui se déploie dans le temps donne une hélice, une spirale, en quatre dimensions. Ce qui correspond au niveau de l'humain, à l'adage populaire bien connu : "L'Histoire se répète mais jamais à l'identique".
La manifestation se déploie en spirale et elle se déploie au pluriel, entraînant une multitudes d'objets dans des trajectoires uniques. Ça re-spire dans les galaxies comme dans nos cellules. Un chaos ou une cohérence, selon le point de vue, un chaos-cohérent.
Accompagné de cette évidence, comment généraliser des idées de progrès ou de déclin à tout et à tous ? Comment croire que tout est progrès alors que seul le mouvement de l'objet observé progresse, comme la puissance de calcul des ordinateurs ou la démographie mondiale ? Ou comment croire que tout décline alors que seul le mouvement de l'objet observé décline, comme le droit social ou la population de baleines ? Au-delà de ces deux points de vue opposés et parcellaires, le progrès ou le déclin, l'inspiration ou l'expiration, c'est bien en spirales que la vie se déploie, qu'elle respire. Je vieillis à mesure que mes enfants grandissent, nous respirons !
Loin de moi l'idée de nous entraîner dans un point de vue nihiliste où tout se vaudrait et où l'action serait inutile ! Au contraire, ce sont les sens du discernement et de l'éthique qui sont mis en avant alors que j'accepte la complexité, le multiple et en bref l'altérité. Pour la science du yoga, l'éthique n'est pas une valeur moralisante mais elle est simplement la capacité à être en pleine relation au monde tel qu'il est. L'éthique est une conséquence automatique au fait de Voir car plus rien n'entrave alors la relation entre l'intelligence au cœur de l'humain et celle du Monde.
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La science de yoga considère qu'un travail à partir de la respiration et de la constitution du moi permet une maîtrise des souffles (prāṇāyāma), une relation vraie au monde et donc permet une relation à l'éthique.
Au cœur de l'expérience humaine, il y a la respiration dont l'étymologie est commune en français avec spirale ! L'idée de respirer est très profondément exposée dans les sūtra suivants du yogasūtra. Il y a d'abord deux mouvements qui semblent antagonistes, l'expiration et l'inspiration puis un troisième ; l'addition des deux, harmonisée et étendue. Des cycles apparaissent et ça respire pleinement au lieu de haleter ! Et alors le quatrième se dévoile, la réalité qui était hors de vue pour cause de souffles chaotiques.
II.49 tasminsati śvāsapraśvāsayorgativicchedaḥ prāṇāyāmaḥ
Cela étant (les pratiques de l'assise et l'expérience de samāpatti), la séparation du mouvement de l’inspir et de l’expir est prāṇāyāma :
II.50 bāhyābhyantarastambhavṛttir deśakālasaṅkhyābhiḥ paridṛṣṭo
dīrghasūkṣmaḥ
modification (vṛtti) extérieure, intérieure et stable selon le lieu, le temps, le
nombre, elle est considérée longue et subtile ;
II.51 bāhyābhyantaraviṣayākṣepī caturthaḥ
une quatrième dépasse la sphère de l’extérieure et de l’intérieure.
II.52 tataḥ kṣīyate prakāśāvaraṇam
Alors est détruit ce qui cache la lumière ;
II.53 dhāraṇāsu ca yogyatā manasaḥ
et le mental a capacité pour dhārana (l'attention liée à un espace).
(Traduction Alyette Degrâces - Les yogasūtra - Fayard 2004)
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